Motoriser son vélo, c’est compliqué ?

Le dans «Bidouilles» par Eldeberen
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Le mois dernier j’ai électrifié mon vélo (un Yuba Kombi). Je passe sur le pourquoi, ce qui m’intéresse ici c’est le comment.

Le vélo électrifié

Choix du kit

Électrifier un vélo, c’est "facile" si on achète un kit conçu pour. Ce kit contient généralement un moteur, son controleur, les accessoires qui vont avec et éventuellement une batterie. Notons qu’il est tout à fait possible d’assembler ces parties depuis différents fournisseurs, mais c’est clairement plus compliqué en termes de conception et d’intégration.

Dans la catégorie des kits, on retrouve deux grandes familles : les moteurs-pédalier et les roues-moteur. Si les roues motorisées sont capables d’avoir la récupération d’énergie au freinage et sont très faciles à installer, malheureusement elles ont très peu de couple à basse vitesse (ou alors sont excessivement chères, avec des vitesses au moyeu en plus du moteur). Pour mon vélo cargo, je préfèrais donc un moteur pédalier.

Parmi cette famille, on a deux sous-familles : les moteurs à capteur de rotation et ceux à capteur de couple. Grosso-modo sur un capteur de rotation l’assistance se déclenche lorsque que le pédalier se met à tourner (qu’il y ait un effort ou non), et sur un capteur de couple elle est proportionelle à l’effort que l’on met dedans. Il est communément admis qu’un capteur de couple est beaucoup plus agréable qu’un capteur de rotation, c’est pourquoi on le retrouve dans la majorité des moteurs type Bosch ou Shimano. C’est ce que j’ai choisi.

Reste ensuite la puissance. En France, la législation limite à 250W la puissance du moteur. Ça peut paraître peu, mais considérant qu’un cycliste moyen développe environ 100W, le moteur est capable de pousser 2,5 fois plus en assistance. Honnêtement, pour avoir besoin de plus il faut des conditions assez inhabituelles.

Niveau batterie il faut faire attention à deux choses. Premièrement la tension doit être celle du moteur (généralement 36 ou 48 V), et deuxièmement il faut choisir sa capacité en W·h. Aide au calcul : si on considère une assistance de niveau moyen à hauteur de ce que la personne sur le vélo fourni (100 W), une batterie de 100 W·h permettra de tenir environ 1h, une de 200 W·h environ 2h, et ainsi de suite. Donc pour une vitesse moyenne de 20 km/h, chaque tranche de 100 W·h donne environ 20 km d’autonomie. Si vous n’avez que la capacité en A·h, multipliez-la par la tension pour avoir les W·h. Exemple, 10 A·h à 36V = 360 W·h. Si vous avez le choix, je conseille de prendre du 48 V. Elle débitera moins de courant et aura potentiellement une durée de vie un peu plus grande.

Pour le reste (l’écran entre autres), c’est une question de goût.

Le moteur qui répond à tout ça est le TSDZ2 de chez Tongsheng, version 250W 36V + l’écran VLCD5. Je l’ai acheté chez Pswpower, depuis l’Allemagne pour éviter les frais de douane. Comptez environ 300 € frais de port inclus. J’ai rajouté des capteurs de freinage pour freins hydrauliques, ceux-ci.

Pour la batterie il vous faudra débourser entre 150 et 300 €, et n’oubliez pas le chargeur ;) Attention aux dimensions, suivant les specs elle peut ne pas s’intégrer au cadre ! Je conseille de faire un patron en carton et de vérifier qu’elle passe bien à l’endroit voulu avant de l’acheter. Pour ma part j’ai utilisé une batterie de récupération, donc pas de soucis de ce coté là.

Montage

Le kit reçu contient tout ça :

  • le moteur (encore heureux) et sa visserie
  • les manivelles et leur visserie
  • l’écran
  • la télécommande de guidon
  • un capteur magnétique (pour la vitesse)
  • des poignées de frein (à câble) avec capteur intégré
  • une manette de gaz
  • les câbles qui permettent de relier l’ensemble
  • la clé qui permet de serrer le moteur
  • les instructions de montage

L’écran était déjà monté sur le vélo quand j’ai pris la photo du kit

Je n’ai pas monté les poignées de frein car les miens sont hydrauliques, ni la manette de gaz. Cette dernière est interdite en France, si vous avez un accident avec vous ne serez probablement pas couverts par votre assurance… Mais elle reste pratique pour tester le bon fonctionnement du vélo ;)

Si tout est ok, on passe à la partie bricolage. Le manuel est très sommaire, dans un anglais approximatif. N’hésitez pas à regarder les tutos vidéos disponible sur Youtube, il en existe généralement pour chaque modèle de kit.

Vous aurez besoin d’outils spécifiques au vélo pour l’installation du kit. En plus de ma caisse à outils, j’ai pu emprunter une malette B’Twin. Sans ça j’aurais été coincé.

Étape 1, démonter le pédalier

On commence par retirer les pédales des manivelles. Ensuite on utilise l’extracteur de manivelle pour retirer celles-ci.

L’extracteur de manivelle à l’œuvre

Puis vient le tour de l’axe du pédalier. Là c’est la douille spéciale pédalier qui est utilisée. Un coup de chiffon pour nettoyer la graisse qui peut rester, et on passe au montage.

Un trou dans le cadre, là où se trouvait le pédalier

Étape 2, monter le moteur

On insère le moteur dans le trou du pédalier, puis on vient visser la première plaque de sécurité. Par dessus on visse l’écrou de pédalier avec la clé fournie dans le kit. Ces éléments vont fixer le moteur en translation.

Le moteur inséré dans le cadre

Pour sécuriser le moteur en rotation on visse la plaque qui passe entre les deux parties arrières du cadre. Malheureusement mon Kombi n’est pas prévu pour cela, donc j’ai improvisé un collier de serrage dans une tige d’acier galvanisé. C’est pas aussi propre que ce que j’aurais aimé, mais ça fait l’affaire.

Le collier de serrage en question

On fini par les manivelles puis les pédales.

Le moteur monté avec les manivelles

Étape 3, les commandes

Partie Bob l’électricien, on vient fixer tour à tour l’écran, la télécommande de guidon et le capteur magnétique sur la roue arrière. Si vous avez les capteurs de frein, profitez-en pour les installer aussi. Niveau cablage c’est pas compliqué : y’a des détrompeurs partout. Si ça rentre, c’est que c’est au bon endroit.

Un jeu de colliers de serrage en plastique permet de fixer proprement tous les câbles qui se baladent un peu partout.

L’écran au milieu de la potence, la télécommande sur la poignée gauche

Étape 4, la batterie

Pour fixer ma batterie, rien de tel qu’un peu de tôle, de la bande velcro, un peu de peinture et beaucoup d’huile de coude. Je pensais que ça me prendrais 2h, j’en ai mis 10…

Si vous achetez la batterie en kit, elle se fixe probablement sur le support à gourde. Il se peut que vous deviez changer le connecteur de la batterie ou du moteur pour que les deux s’emboitent. Si c’est le cas, je conseille de mettre du XT40. Attention à la polarité, vous n’avez pas envie d’inverser la tension sur du 36 ou 48 V !

Le support de batterie, vide

Le support, avec la batterie

J’ai aussi du ajouter un peu d’électronique pour utiliser correctement ma batterie. J’ai noyé le tout dans du silicone pour éviter tout risque en cas de pluie. Ce boitier se situe entre la batterie et le moteur.

Une boite en impression 3D avec des composants électroniques noyés dans le silicone

Étape 5, tester !

Pour tester le bon fonctionnement de l’ensemble du montage, j’ai utilisé la manette de gaz. On la connecte à l’écran via la prise dédiée, on relève la roue arrière pour qu’elle puisse tourner librement, et on allume l’ensemble. Si tout va bien, la manette devrait faire tourner le moteur de manière progressive. Si ce n’est pas le cas, vérifiez bien tous les branchements et la charge de la batterie.

À l’inverse vous pouvez passer à la configuration du moteur. Un seul paramètre est à modifier, le diamètre de la roue arrière. Pour cela référez-vous au manuel de votre kit. On peut alors débrancher la manette de gaz, fixer les derniers éléments et faire un premier tour dans la rue :D

Photos finish

Deux semaines plus tard, j’ai déjà fait 120 km selon le compteur. C’est top, ça change la vie surtout par temps de canicule. À partir d’octobre j’aurais d’ailleurs 2×40 minutes de trajet à faire pour aller au taf, ce sera très confortable.

N’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions ou remarques, je répondrais avec plaisir. Mon mail est en pied de page et je suis dispo sur le fédiverse.

Sur ce, je vous laisse sur quelques photos :)

Le vélo tout monté

Un zoom sur le pédalier

Un autre zoom sur le pédalier

Addendum

Suite à quelques remarques sur le fédiverse, j’ajoute quelques notes à cet article.

Le poids

Mon vélo nu est vendu pour 20 kg. En pratique avec les accessoires (repose-pieds et coussin arrière) j’estimais son poids à ~23 kg. Après avoir installé le moteur, je l’ai pesé à 36 kg tout compris. Le moteur fait ~3,5 kg, la batterie est vraiment l’ajout le plus lourd avec ses ~8 kg (pour 460 W⋅h) + ~1 kg de support. Les composants restants (écran, câbles, etc) doivent ajouter dans les 500 g. En pratique, ça se sent lors de la manutention, en particulier quand je prends l’ascenceur avec. Pour le redresser c’est plus la même ^^'

Les freins

J’ai oublié de parler de quelque chose d’important. En général un trajet de vélotaf se fait à 15 km/h de moyenne, avec des passages à 20 km/h. Avec l’assistance électrique vous approchez fréquemment les 25 km/h de moyenne… Sauf que E = 1/2·m·v² ie. l’énergie à dissiper s’exprime au carré de la vitesse… Ce qui veut dire que à masse identique, freiner à 25 km/h au lieu de 20 km/h nécessite de freiner 50 % plus fort. À cela on ajoute les 10 kg en plus dûe à la batterie et au moteur, et on se retrouve avec une belle augmentation d’énergie cinétique.

Exemple sur ma personne, 65 kg habillé :

  • Avant : E = 1/2 × (65+23) × 5,6² = 1380 J
  • Après : E = 1/2 × (65+23) × 6,9² = 2400 J

Soit 73 % d’énergie en plus !

En pratique oubliez les freins à patin. J’ai changé les freins d’origine (disque, mécaniques) pour des freins hydrauliques avant la motorisation, pour le confort, honnêtement je ne regrette pas. Ou alors roulez moins vite, anticipez plus et croisez les doigts quand vous sortirez sous la pluie…

Les niveaux d’assistance

Le TSDZ2 a 4 + 1 niveaux d’assistance :

  • 0 - Off
  • 1 - Eco
  • 2 - Tour
  • 3 - Speed
  • 4 - Turbo

Compteur

La puissance fournie par le moteur est proportionnelle à celle fournie par le cycliste, mais je n’ai pas vraiment de valeur fiable par niveau à vous partager. Sur le plat sans charge, j’utilise les modes Eco et Tour. Si ça monte ou que je suis chargé avec un adulte, j’enclenche le mode Speed. Si ça monte et que je suis chargé, le mode Turbo est d’une grande aide.

Le changement de niveau se fait très facilement main gauche, via la télécommande déportée. On peut aussi utiliser les boutons sous l’écran, mais perso je ne le fait jamais.

La batterie, fixe ou démontable ?

Démontable.

Rien que pour la charge c'est plus pratique de la démonter que de charger directement sur le vélo. De plus les batteries lithium-ion sont sensibles aux grosses variations de température. En hiver c'est bien de la mettre au chaud la nuit, et en été de ne pas la laisser en plein cagnard.

Si vous la fixez, I will look for you, I will find you, and I will kill you.

Rouler sans assistance

Que ce soit pour se dégourdir, économiser de l’électricité ou même si on a oublié de recharger la batterie, arrive un moment où on a à pédaler sans l’assistance.

On peut utiliser le vélo moteur éteint de deux manières : contrôleur allumé et assistance à zéro, ou bien tout éteint. L’avantage du contrôleur allumé c’est que le compteur kilométrique tourne et la vitesse s’affiche au compteur. L’inconvénient c’est que ça consomme un peu de batterie (~1 W).

Dans les deux cas il y a une légère résistance à compenser, que j’estime à un équivalent de pente à 1%. C’est perceptible mais pas non plus la mort sur des distances de l’ordre de quelques kilomètres.

Les accessoires

Avec la batterie utilisée pour avancer, figurez-vous qu’on peut aussi s’éclairer. Le kit du TSDZ2 intègre un câble spécial avec deux sorties 6 V, une pour un feu avant et l’autre pour l’arrière. L’activation se fait là aussi au guidon, en même temps que le rétroéclairage de l’écran. Si ça c’est pas beau \o/

Par contre je ne sais pas si il y a de quoi mettre un klaxon de camion. Mais l’idée mérite d’être creusée :3

L’assurance

L’UFC laisse entendre qu’en l’absence d’homologation, les assurances ne prendrait pas en charge en cas d’accident. Perso je suis à la MAIF, et je sais qu’ils assurent des véhicules non-homologués. Je les appelerais pour en savoir plus et mettrait à jour cet article.

L'autonomie

Après un peu plus de 200km roulés avec, le point sur l'autonomie. Comme annoncé précédemment, j'ai une batterie de 460 W⋅h (théorique). En prévisionnel je planchais sur environ 20 km par tranche de 100 W⋅h. En pratique, j'ai fait 51,2 km avec 55 % de batterie (en moyenne en niveau d'assistance). Soit 20,23 km pour 100W⋅h. Plutôt juste cette estimation ^^'

J'évite de descendre en dessous des 30 % de charge, donc si je reprends mon estimation ça fait environ 70 km d'autonomie. Largement suffisant pour mes besoins :)


Historique des modifications

  • 2022-08-10 : Rédaction initiale
  • 2022-08-11 : Ajout de l’addendum
  • 2022-08-25 : Ajout du paragraphe sur l'autonomie

Vous pouvez réagir à cet article en m'envoyant un mail, à blog[@]middleearth[.]fr. Je répondrais avec plaisir :)