Fabriquer une batterie, c’est compliqué ?

Le dans «Bidouilles» par Eldeberen
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La batterie finie, sur le vélo

Cet hiver j’ai stocké mon vélo électrique chez mes parents. En cause un déménagement avec quelques semaines de battement avant d’emménager dans mon nouveau chez moi. Bref, dans l’intervalle les batteries sont décédées (en fait pas tant que ça, mais je ne le saurais que plus tard).

Trois choix s’offraient à moi :

  1. Démotoriser mon vélo
  2. Trouver une nouvelle batterie en kit
  3. Faire ma propre batterie from scratch

Choix 1 : lol nope. Choix 2 : pas de bol, aucune des batteries que j’ai vu dans le commerce ne passent dans mon cadre. Choix 3 : bon bah, c’est parti pour un peu plus de bidouille :D

La théorie

Pour faire une bonne batterie 10S4P de 288 Wh, vous prenez un jeu de 40 18650 2000 mAh 30A, un BMS et de quoi assembler l’ensemble.

Si vous avez capté un mot sur deux, la suite est pour vous. Sinon sautez directement à la partie pratique.

18650, what’s that?

La batterie des VAE utilise très majoritairement la technologie lithium-ion, sous la forme d’un pack d’accu au format 18650. Ça ressemble à des grosses piles rechargeable, qui font 18 mm de diamètre pour 65 mm de long. C’est d’ailleurs de là que vient le nom 18650.

Un lot de 4 accus 18650

C’est un format très, très courant. On les retrouve dans les batteries de VAE, dans celles des voitures électriques, dans les vapoteuses, certaines batteries d’ordinateur (plutôt les vieux), y’en a même un dans ma caméra thermique. L’avantage est donc que ça se trouve facilement. Soit en recyclage de vieux trucs, soit neuf.

2000 mAh 30A, kamoulox ?

2000 mAh c’est la capacité de chaque cellule, en milliampère-heure. En gros ça veut dire que je peux tirer 2 ampères pendant une heure, 1 ampère pendant deux heures ou 4 ampères pendant une demi-heure.

30A est la tenue à la décharge de la cellule. Là je sais qu’elle peut encaisser une décharge de 30A sans s’abimer. J’aurais pu prendre moins, mais le fait de surdimensionner devrait augmenter la durée de vie globale de la batterie.

Bonne capacité, bonne tenue à la décharge ou bon marché ; choisissez en deux. Pour ma part j’ai privilégié la tenue à la décharge et le prix.

10S4P, pourquoi pas C3PO ?

Mes accus font 3,6 V de tension nominale pour 2000 mAh de capacité mais le moteur doit être alimenté en 36 V. On va donc mettre 10 étages d’accu en série : 10S.

2000 mAh de capacité, à 36 V ça fait 64 Wh. C’est peu, très peu. Avec 4 accus en parallèle à chaque étage, la capacité totale monte à 8000 mAh, soit 288 Wh. 4 en parallèle : 4P.

Donc une batterie de 10S4P correspond à 10 étages de 4 cellules.

BMS, Blue Mountain State ?

Désolé pour la ref vaseuse… Mais non, ça veut juste dire Battery Management System.

Contrairement aux piles alcalines, les accus lithium-ion aiment pas :

  • être trop déchargés
  • être trop chargés
  • charger trop vite
  • être déchargé trop vite
  • être trop chaud
  • ne pas être équilibré au sein d’un pack

Ça fait beaucoup de contraintes… Donc au lieu de tout gérer à la main, on délègue la surveillance de la batterie au BMS.

Assembler ?

Y’a pas que la théorie dans la vie, cf le point suivant :3

La pratique

Les étapes suivantes sont présentées à peu près dans l’ordre. Notez que certaines peuvent être interverties, mais à vos risques et périls :D

Liste de courses

Dans les consommables, on retrouve :

  • 40 cellules 18650 (2000 mAh / 30A)
  • Un BMS
  • Des connecteurs XT40
  • Du fil de bonne section (pour 30A)
  • Un bout de tôle acier
  • Une plaque de tôle alu
  • Du joint silicone

Je recommande d’acheter les cellules en Europe. Pour ma part j’ai fait confiance à Bestpiles.

Côté outils :

  • Un fer à souder
  • Un appareil à souder point par point
  • Une imprimante 3D et son filament
  • De quoi découper et mettre en forme les tôles
  • Un voltmètre capable de monter à 50 V
  • Un pistocolle :D

Équilibrage des cellules

Il est important que les cellules aient exactement la même tension (à 0,02 V près) pour ne pas faire de micros courts-circuits quand on va venir les souder entre elles.

De plus il est recommandé d’avoir des étages d’une capacité similaire.

Si vous achetez des accus neufs, en théorie pas besoin de se prendre la tête : tous devraient avoir la même tension et la même capacité. À l’inverse en recyclage c’est pas mal de faire le test avant et d’équilibrer à la main.

Pour connaitre la capacité réelle des accus, le mieu est de se procurer un testeur qui va venir leur faire un cycle complet charge/décharge.

Exemple : un étage avec des accus de 1750 + 1680 + 1570 = 5000 mAh et un autre de 1700 + 1700 + 1600 = 5000 mAh. C’est pas grave si ça dévie un peu, faites au mieux :)

Supports 18650

Pour maintenir les 18650 entre elles, soit on y va au scotch, soit proprement. La manière propre consiste à faire un rack dans lequel on va insérer les cellules.

Il me faut 40 emplacements, sur deux rangées (sinon ça passe pas dans le cadre de mon vélo --'). Un coup de FreeCAD (OpenSCAD ça marche aussi) et hop 3 pièces. Celle du milieu sera imprimée en deux paires pour atteindre les fameux 40 emplacements.

Les supports vus dans mon logiciel de slicing

Quelques trucs auxquels faire attention :

  • C’est bien de prévoir à l’avance le passage du ruban de nickel, cf la partie câblage
  • Ajuster les tolérances : les cellules ne doivent pas bouger sans être trop contraintes
  • Prévoir de quoi visser les modules à la plaque support (point suivant)

L’astuce du flemmard : on peut faire une unique pièce et l’imprimer en symétrique dans le slicer.

Pour maintenir les supports et ajouter de la rigidité, j’ai fait le choix de les visser à une plaque de tôle. Quelques coups de meuleuse, de perceuse, de marteau, de lime ; c’est prêt.

On insère les 18650 dans les supports, qu’on vient ensuite visser à la plaque en acier.

Déso j’ai pas de photo de cette étape…

La suite, c’est la soudure.

Câblage et BMS

Le BMS vient dans une boite avec les fils qui serviront à monitorer les différents étages, un guide d’utilisation et une feuille de conformité. Bon c’est de la chinoiserie, mais honnêtement sur ce type de produit j’ai encore jamais été déçu.

Le BMS dont je parle au dessus

Coté câblage, c’est expliqué dans la doc : on commence par relier les cellules de chaque étage entre elles, puis on relie les étages en série.

Le schéma de câblage fourni avec le BMS

Petite spécificité si votre BMS a un port de charge dédié, mais rien de bien compliqué.

Vu que les li-ion aiment pas trop la chaleur, on évite d’y aller au combo fer à souder + étain comme un sagouin. D’où l’intérêt du poste à souder point par point. Celui-ci va faire des soudures avec un ruban de nickel bien propre sans trop chauffer globalement.

Je commence par placer des petits bouts en diagonale, puis relie les différents étages entre eux.

Un schéma des bouts de ruban

Si on prend la tension totale de la batterie à la fin de cette étape, on doit avoir quelque chose qui tourne autour des 36 V ±5 V suivant le niveau de charge initial des cellules. Au passage en cas de problème une belle étincelle aurait du vous mettre la puce à l’oreille.

Si c’est ok on soude les fils de contrôle du BMS. Comme indiqué dans la doc, on le fait avant de brancher le connecteur au BMS.

Le noir va à la masse, et ensuite y’a un fil par étage. Pour cette étape, deux solutions :

  • flemme : soudure à l’étain directement sur le ruban nickel
  • propre : soudure à l’étain sur un bout de ruban qu’on vient ensuite souder point par point

On checke au multimètre qu’on a bien environ 3,6 V entre chaque étage, si c’est ok on peut brancher le connecteur.

La suite, c’est souder le pôle positif à un connecteur XT-40 (ou autre, mais le XT-40 c’est la vie), le fil P- du BMS au même connecteur, et le B- au pôle négatif de la batterie. Si il y a un port de charge, faire pareil avec un connecteur dédié. Se référer au schéma, il est plutôt bien foutu.

Une fois que tout est ok, on vérifie qu’on a nos 36 V en sortie de connecteur. On peut en profiter pour coller le BMS et les fils aux cellules pour pas que ça bouge trop.

Un gros plan de la batterie avec le BMS collé dessus

La colle chaude, votre alliée pour les bricolages de qualitay.

Coque de protection

Pour éviter que la batterie prenne l’eau, faut lui faire une coque. En discutant avec Loïc, un gars qui faisait la manche en bas de chez moi, il me souffle l’idée de la faire en tôle alu.

Je découpe un patron dans du carton. Ça a l’air d’aller donc on passe à la découpe dans la tôle.

La découpe de la tôle

Quelques pliures plus tard, je mets des rivets et du joint silicone pour sceller l’ensemble.

J’isole la batterie avec du scotch et de la colle chaude pour prévenir tout court-circuit, puis je mets en place la coque par dessus.

La coque en place

Une plaque avant pour fermer, du silicone encore et toujours pour boucher les trous, et on est bon ! Plus qu’à retirer le film de protection.

Le produit fini

Ça fonctionne, et j’ai déjà fait un peu plus de 750 km avec au moment où j’écris cet article.

La batterie finie

Et sur le vélo, c’est tout simplement l’image d’en-tête.

Voilà, comme d’hab si vous voulez en discuter je suis dispo sur le fédivers :)


Si vous avez suivi, en introduction je disais que mes batteries de récup étaient mortes, mais pas tant que ça. Bah il se trouve que c’est le BMS qui est mort, pas les cellules. J’ai commandé un nouveau BMS, ça me fera une batterie en rab ^^'

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